"On creuse, on pose le câble à même le sol, on sable pour le protéger, on grillage" avant de refermer, explique Frédéric Bobier, conducteur de travaux chez Allez et Cie, un sous-traitant du groupe public Enedis - principal gestionnaire du réseau de distribution d'électricité en France - qui opère notamment sur ce chantier à Ergué-Gabéric, au nord-est de Quimper (Finistère).
Enedis y remplace 5 kilomètres de câbles aériens - ces fils bien visibles, tendus à plusieurs mètres de hauteur entre des poteaux de bois ou de béton, où se posent parfois les oiseaux - par des câbles souterrains.
Au total, 1.100 kilomètres de lignes devraient ainsi être enfouis en Bretagne, une petite portion des 108.000 kilomètres du réseau électrique de la région.
Objectif: "Rendre plus robuste le réseau électrique breton suite à la tempête Ciaran", car ici, déracinés par des vents exceptionnels il y a un an, "les arbres sont tombés sur le réseau" et l'ont "haché menu", se rappelle Pierre-Olivier Courtois, directeur du plan "Reconstruction Bretagne" chez Enedis.
Ce plan vise le renforcement de 2.000 kilomètres de lignes électriques supplémentaires sur cinq ans, pour un budget "en cours d'estimation" (qui pourrait s'élever à plus de 200 millions d'euros, selon un calcul de l'AFP), et s'ajoute à la rénovation déjà prévue par Enedis de 3.500 kilomètres de lignes bretonnes en 2025-2029, pour 390 millions d'euros.
Sous un soleil d'automne, la pelleteuse bruyante dépêchée sur le chantier d'Ergué-Gabéric rebouche le trou d'environ 80 centimètres où les ouvriers ont logé la ligne moyenne tension qui fournira de l'électricité aux petites industries et commerces locaux d'ici fin décembre.
- "Contre la montre" -
"Il nous faut agir rapidement" pour permettre au réseau électrique de faire face à "des aléas climatiques qui se multiplient, s'intensifient et sont de plus en plus localisés", justifie le directeur technique d'Enedis, Hervé Champenois, en déplacement auprès des équipes bretonnes.
L'enfouissement de câbles est l'une des recommandations du dernier Plan national d'adaptation au changement climatique (PNACC-3), présenté vendredi par le Premier ministre Michel Barnier, pour préparer les infrastructures nationales à un réchauffement climatique de 4°C (par rapport aux niveaux préindustriels) à l'horizon 2100.
Les lignes électriques aériennes vont-elles disparaître du paysage?
"Ca n'est pas le but", assure Pierre-Olivier Courtois, gilet orange sur le dos, en descendant vers un chantier dans un hameau à Brech, au nord d'Auray (Morbihan). Car l'enfouissement coûte cher, cinq fois plus cher que la rénovation de câbles aériens. Il n'est donc prioritaire que dans les zones boisées, où les arbres menacent de tomber.
L'expert est coupé par un crissement strident: en contrebas du hameau, un ouvrier déroule un gros câble noir torsadé qu'un second travailleur, élevé par une nacelle, passe au sommet d'un poteau en béton.
Au passage de Ciaran, ce hameau a été privé d'électricité pendant "dix ou quinze jours", alors que 90% des 1,2 million de foyers touchés ont été dépannés en quatre jours, se souvient le responsable du plan de reconstruction.
Les "fils nus", de fins fils de cuivre vulnérables aux chutes d'arbres ou dépôts salins venus de la mer, sont particulièrement nombreux en Bretagne dans le réseau électrique basse tension qui alimente les maisons. Les remplacer par des câbles torsadés robustes faits d'aluminium et d'une gaine en plastique est une façon d'adapter le réseau aux aléas climatiques.
Avec le "torsadé" qu'Enedis prévoit de déployer en Bretagne sur 1.400 kilomètres de lignes existantes, "les clients continuent à être alimentés même si le câble est à terre" et on peut réparer "très rapidement", explique-t-il.
Or, "sur une tempête comme ça, (...) c'est une course contre la montre."
Tempêtes en Bretagne et sur la façade atlantique, inondations dans le nord ou dans le sud-est du pays, canicules en ville... Enedis consacre environ 1,3 milliard d'euros par an aux chantiers de rénovation et d'adaptation du réseau électrique au changement climatique. Soit le quart de son plan d'investissement de 96 milliards d'euros jusqu'en 2040.