Avec les nouvelles règles de stockage d'effluents, qui nécessitent désormais une rétention minimale de "six mois en France, et neuf mois" selon les réglementations de l'Union européenne, son exploitation devait de toute façon subir des transformations.
"Il y a 20 ans, on était largement aux normes. Et là, on n'y était déjà plus", soupire-t-il, regrettant l'évolution permanente des règles pour les exploitants.
Il a opté pour un système de micro-méthanisation, démarche encore rare dans les exploitations françaises où les grosses installations alimentées par plusieurs fermes sont plus fréquentes.
Dans sa stabulation, un robot racleur passe toutes les trois heures au milieu des vaches pour récupérer le lisier et le pousser dans une préfosse. Il sera ensuite pompé dans une grosse machine ronde, le digesteur, où il restera maintenu à une température d'environ 42°C, permettant la production de biogaz.
Moteurs à combustion et générateurs alimentés avec ce biogaz permettent de produire de l'électricité et de la chaleur. "Pour le moment, on revend toute l'électricité qu'on produit", ce qui finance l'installation, explique Aymeric Sauce.
Celui-ci continue donc, en parallèle, à payer ses factures d'électricité, mais à terme, sa ferme sera autosuffisante et il devrait même pouvoir revendre 50% de l'électricité produite.
La chaleur est, elle, déjà réutilisée pour alimenter les machines de la ferme, le chauffage de la laiterie ou de la maison d'habitation de cette exploitation comptant 65 vaches laitières et 200 hectares de cultures, qu'Aymeric Sauce et son frère ont reprise après le départ à la retraite de leurs parents.
"Revenu complémentaire"
Si une journée portes-ouvertes de son installation de micro-méthanisation ne l'avait pas retenu dans la Meuse, Aymeric Sauce serait "à Paris", avec les Jeunes Agriculteurs. La semaine dernière, il participait aux blocages de l'autoroute A4.
Stéphane Dugravot, 50 ans, éleveur laitier dans les Vosges, a aussi manqué le rendez-vous donné par les syndicats d'agriculteurs à Epinal pour venir découvrir l'installation. Il trouve la démarche "intéressante pour tout le monde, parce qu'on valorise nos effluents d'élevage, on produit de l'électricité, c'est un revenu complémentaire pour l'exploitant".
Toutefois, "notre métier, c'est de produire de la nourriture", souligne-t-il: pas question que l'installation remplace le travail de tous les jours. "Il ne faut pas tout miser sur ça pour un exploitant agricole, on est là pour entretenir l'espace, produire de la nourriture saine pour le peuple français, mais après, on diversifie si on peut", insiste M. Dugravot.
L'investissement n'est toutefois pas à la portée de tous les exploitants: Aymeric Sauce et son frère ont déboursé 300.000 euros, "sans aucune aide" ou subvention de l'Etat, selon eux. Pour l'heure, le méthaniseur permet uniquement de "financer la mise aux normes" de l'exploitation.
- Plus vert -
Mettre en place une telle solution permet aussi d'être plus en phase avec les enjeux du réchauffement climatique, estime M. Dugravot: "Sans micro-méthanisation, chez moi, je produis du lisier, du fumier, je l'épands directement mais il y a une perte du méthane qui repart dans l'atmosphère".
Et autre point important pour lui, ici "on reste à la dimension de l'exploitation".
De nombreux méthaniseurs à grande échelle ont vu le jour, notamment dans la Meuse ou dans les Vosges: "Mais cultiver du maïs pour le donner au méthaniseur, je ne vois pas l'intérêt", estime M. Sauce. Lui donne son maïs "à manger aux vaches", donc tout ça termine dans le méthaniseur "sans transport, sans rien".
Le lisier méthanisé, qui forme un "digestat", donne aussi un engrais plus naturel, assure Sigrid Farvacque, responsable commerciale chez Bioelectrics, qui commercialise ces micro-méthaniseurs.
On peut aussi capter dans le digesteur "jusqu'à 90% des émissions de méthane qui sinon se seraient évaporées dans la nature", insiste-t-elle.
A terme, la revente de l'électricité permettra à l'exploitant de diversifier ses sources de revenus. "On espère avoir assuré la pérennité de l'entreprise", estime Aymeric Sauce, qui reste néanmoins prudent.